Ça donne un ensorcelant cocktail à savourer avec émerveillement, mais uniquement au festival jazz de Conilhac ! 

Croyez moi, dans cette salle éphémère, on se sentait heureux et parfaitement à notre place pour cette première. Les artistes vibraient d’impatience tant ils souhaitaient nous délivrer un concert généreux, joyeux et plein de bienveillance. Nous serons vite rassurés. Ce fut un beau geste d’humanité.

Oui mais avant, il fallait bien lancer formellement ce 35ième festival et nous n’échappions pas aux traditionnels discours des Officiels. 

Encore une fois, ce fut fait avec beaucoup d’humour et d’élégance avec deçi delà quelques jolies promesses renouvelées. J’en veux pour preuve : un travail sur le jazz à réaliser avec les élèves des lycées et un projet d’auditorium permettant d’accueillir le plus grand nombre : Bref on discerne – au travers de ces propositions – une volonté de voir le jazz s’émanciper. N’est-ce-pas une évidence puisqu’il n’appartient à aucune génération, que chacun peut donc se l’approprier :  homme ou femme, jeune ou plus âgé, de couleur, de religion ou d’orientation sexuelle différente,  etc., la musique jazz nous appartient. Terminée la veilleuse, terminée l’adolescence, dans notre belle région, le jazz prend la route vers son autonomie.

Merci Madame, Messieurs les Elus, on compte sur vous comme vous pouvez compter sur les bénévoles si chaleureusement salués durant cette soirée. 

D’ailleurs personne ne fut oublié dans les remerciements et très vite la « politique » a cédé la place au spectacle : Oui, que seraient les cocktails – de surcroît des BLINKERS – sans son cabaret, son ambiance, sa musique.

Et les BLINKERS, les voilà dans la loge à faire les cents pas, impatients d’entrer en scène, vérifiant chaque détail… vestimentaire : le costume ça va ? Pas terrible mon noeud de cravate… quelqu’un peut -il m’aider, je voudrais un noeud Windsor, l’élégance tient…

Dans la salle, nous sommes à la fête, les lumières viennent de s’éteindre. On sait qu’ils vont entrer en scène, saxo rutilant, batterie et clavier mobilisés et prêts à en découdre avec leurs boss. Ça va swinguer, c’est certain. Sur les 1, 2, 3 des baguettes et les regards des trois complices, la musique s’élance, le stress diminue, le jazz s’envole, se déploie, comme un acte symbolique qui fait écho aux paroles prononcées. 

Faut-il les présenter ? 

  • Mathieu ALLEMANDOU est le saxophoniste du trio. C’est le dandy du groupe au parfait noeud de cravate, qui remerciera Tatiana GRONTI, spécialiste en la matière, mais pas que… Oh ! Il  chante aussi,
  • Pierre COSTE évite avec maestria les tendinites, car il a su apprivoiser ses baguettes qu’il agite sur sa batterie dans des solos absolument ahurissants,
  • Thierry OLLE, virtuose du clavier, chemise à fleurs (toujours, pourquoi ? Je dirai « porte bonheur »), un brin pince sans rire mais toujours généreux lorsqu’il s’agit de musique.

Vous les connaissez bien, ils vont nous décliner quelques bons morceaux d’Arnett Cobb, d’Horace Silver, etc… et un morceau magistral composé par Thierry qui n’a pas hésité à l’intituler « Renaissance ». N’y voyez là aucune connotation politique. 

Et puis surprise, après un morceau chanté par Mathieu, c’est la devinette. Soulevant sa gapette et se passant la main sur la tête au risque de semer la zizanie dans ses cheveux… qu’il n’a pas, il propose que nous découvrions ce dernier morceau qui semble connu de tous. C’est que le groupe voue une passion sinon égale du moins réelle pour toute autre forme de musique, américaine, pop, rock, gospel, etc. 

Pas simple à trouver ce titre, surtout lorsque les arrangements l’éloignent de sa forme initiale. Finalement BONO et son groupe U2 seront cités. Quant au morceau, il s’agissait : « I Still Haven’t Found What I’m Looking For ».

Indifféremment, ces trois là nous provoquaient avec des solos de batterie, de clavier ou de saxo. Inspirés ils l’étaient dans ce monde qui semblait parallèle au nôtre, un monde où le jazz ne fait qu’un avec son interprète. Merci mille fois pour ce moment et merci de nous avoir appris qu’on peut se délecter à la fois de jazz et d’autres musiques tout aussi efficacement. 

Voilà qui va nous permettre d’aborder le son des années Motown moins timorés, voire d’entonner à tue-tête les vieux tubes de la talentueuse Aretha, enfin certains des morceaux les plus connus avec les chanteuses du Natural Woman Band…

Il est temps de faire une petite pause. Salvatrice. Entre l’eau et l’air frais, on se requinque, on se dégourdit les jambes, on commente les photos dans le hall et finalement on achète un polar sur le jazz à Jérôme BAUGUIL – dédicacé peu chère. Pour une mordue de lecture, que demander de plus ?

La seconde partie du programme pardi !

J’ai tellement écouté « ARETHA FRANKLIN » cette semaine que je m’attendais presque à la voir débarquer sur la scène. Entre « Think » « Freedom » et « Respect », le son des années sixties envahissait la maison, au risque de déranger un tout petit peu les voisins habitués à plus de calme…

Mais que je vous raconte ce concert : Costumes noirs et chemises blanches, l’orchestre s’est installé en toute décontraction, jouant les premiers accords.  7 musiciens éclatants sur la scène, ça va faire du bruit. Du bon bruit 

  • Samuel DUMONT, saxophone,
  • Alain CAZCARRA, Trompette,
  • Christophe ALLAUX, trombone,
  • Frédéric CHARBONNERY, claviers,
  • Laurent GILLY, guitare,
  • Joe KLIMEX, batterie,
  • Thibault VIGORIE, basse.

C’est alors qu’apparaissent les deux choristes, dont les voix vont immédiatement se joindre aux harmonies orchestrales. 

  • Marianne FRAIZY, choriste soprano
  • Natacha KANGA, choriste à la voix plus grave

Quelques pas esquissés en rythme par ce premier ensemble et c’est la chanteuse Tatiana GRONTI, dans son bel habit de lumière qui apparaît enfin. Si la chorégraphie semble quasi millimétrée, elle reste bon enfant. Vous aviez parié sur les grands standards, certes il y en aura quelques uns, dont l’incontournable « Natural Woman ».

Mais Tatiana GRONTI préfère présenter des morceaux plus intimistes de la Queen of the Soul et c’est tout à son honneur. Ce qu’elle recherche avant tout, c’est la proximité avec le public. Perchée sur ses talons hauts, elle n’hésite pas à descendre dans la salle, pour la faire danser. Elle est dans le partage. Elle ne louvoie pas, elle tutoie le public, lui rappelant le combat d’Aretha, une féministe de la première heure qui souhaitait simplement être l’égale des hommes, des blancs aussi, être légitime dans sa passion. 

Et cet exemple, on l’a aussi sur la scène lorsque Marianne FRAIZY prendra le micro pour l’un des  standards de la reine de la soul, puis quelques titres plus tard, c’est Natacha KANGA qui partagera avec nous un moment de sa belle voix grave. Mais bien évidemment le mélange des trois sonorités est à tomber… «  You’re all I need to get bye » une merveille, « Chain of falls » un enchantement !

Trois grandes voix pour 7 musiciens éclatants sur la scène. Inutile de vous dire que c’était un régal ce moment partagé. 

Notamment lorsque le geste fut joint à la parole : « comme à la maison »  dira Tatiana qui en fin de concert – au moment du rappel – se déchaussera tout simplement et descendra son micro de quelques bons centimètres. « Oui, je suis petite, et alors » : N’est pas Diva qui veut !  

La musique de l’âme n’a nul besoin d’artifice, elle rassemble le chant et la musique dans leur plus simple appareil, c’est encore ce qu’il y a de plus foisonnant, voilà c’est ça « Freedom ».

Merci au NATURAL WOMAN BAND : Cet enthousiasme, cette gentillesse, cette simplicité sous couvert d’un vrai professionnalisme ouvrent des perspectives plutôt réjouissantes quant à cette trente cinquième édition du Festival Jazz. 

A Conilhac, vous ne pourrez rater aucune des informations qui entourent cette manifestation, programmes et photos sont partout à la mairie et à la médiathèque et sachez que les places se raréfient, alors vite, vite, il faut se décider.

Dominique MONTEREAU