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A Conilhac, pas de fusée à envoyer dans la stratosphère, ici la Nature est respectée. Mais le décompte a bien eu lieu et l’histoire commence toujours à vingt heures trente.
Pas de pas de tir non plus, et pourtant les émotions peuvent vous vriller le cœur et l’esprit aussi surement qu’au centre spatial d’Evry ou à Kourou après les différents lancements d’Ariane (cocorico). Mais à Conilhac, on ne se régale que de moments musicaux exceptionnels et pour cette troisième soirée, ils étaient pour le moins excitants, raffinés, hors du temps.
Des rendez-vous à ne pas manquer car d’un samedi à l’autre le jazz change de planète, s’ébroue différemment, vous fait franchir de nouvelles lignes voire transgresse les règles que vous imaginiez.
Quelle expérience, cette soirée du 12 novembre.
Pourtant tout avait – semble-t-il – commencé de façon toute ordinaire : l’accordeur avait pris soin du splendide Steinway à gauche de la scène, les magiciens du son et des lumières terminaient leurs réglages et le vidéaste semblait confiant du choix de son positionnement. Enfin, tous les bénévoles étaient en place pour accueillir le public, le plaçant avec gentillesse et sourire, distribuant ici l’éconilh’jazz ou attribuant les quelques places encore disponibles, vérifiant, là, une dernière fois la scène pour y déposer l’eau minérale nécessaire aux artistes.
Lorsqu’enfin les lumières se sont éteintes pour accueillir LOUIS MARTINEZ 6tet, la salle a applaudi. Il faut le dire Louis est bien connu dans la région : Directeur du Festival Jazz de Sète qu’il imaginait en 1985, autodidacte et pourvoyeur de savoir, il fait confiance à son instinct et va nous le démontrer ce soir. Pour ma part, je sais déjà que je vais apprécier, d’abord parce qu’il est fan d’Henri Salvador et de Michel Legrand, que j’adore également et parce que j’ai entendu quelques mesures du spectacle qui va se jouer là, lors des ajustements de sono. Et il y en a eu des ajustements, car Louis Martinez est un perfectionniste, le son et l’image, tout est important. Il suffit de regarder la pochette de ses albums pour le comprendre…
Je digresse, reprenons le cours du concert et les présentations de ces 6 artistes :
- Margot SORIA et Agnès SOM sont deux magnifiques chanteuses, aux voix claires et aux vibratos parfaitement maîtrisés, avec des tons pleins et mélodieux, capables de nous faire vibrer par ce simple bonheur de chanter. Il suffit de regarder leurs mains, leurs gestes pour comprendre qu’elles sont avant tout musiciennes.
- Gérard PONCIN est au piano et saura nous émouvoir autant que
- Thomas DOMENE avec sa batterie ou
- Philippe PANEL et sa contrebasse à l’occasion de solos qu’ils essaiment durant tout le concert.
- Et puis, il y a Louis MARTINEZ et sa guitare, dont les « influences » sont multiples
A l’entracte, j’ai entendu quelqu’un du public dire : « c’est une rythmique avec des chants », certes, mais quel beau scénario, quel joli dialogue entre Pop, R&B, soul, sons latins et jazz, qui laisse la part belle aux voix.
Nous avons voyagé avec eux de Bruxelles aux Etats Unis pour une rencontre avec Aretha (Franklin). Nous avons même embarqué pour Blueland (une composition de Gérard Poncin). Bref, nous avons survolé cet album si parfaitement ciselé tout en douceur, un album qui nous chuchotait parfois : « N’est-ce pas que ça donne envie de danser ? ».
Les plus avertis le savaient, il y avait une surprise sur ce CD, qui s’est concrétisée à Conilhac sans grande difficulté. Présent pour la seconde partie du programme, Stéphane BELMONDO a rejoint le groupe pour quelques morceaux toujours aussi réconfortants. Plus exactement Louis est allé quérir Stéphane en Loges. Bref, on était presque sur « les copains d’abord », c’est aussi cela les Sétois.
L’heure du décompte approche, mais avant il y a l’entracte qui permet toujours soit de prendre l’air, soit de prendre un verre, soit – et c’est important – de rencontrer les artistes, qui se prêtent gentiment au jeu de la dédicace de leur album vendu sur place. Ce sont Agnès et Margot – les solistes – qui signeront les opus sans pour autant oublier leurs complices de scène qui pour le moment sont encore sur celle-ci pour ranger leurs instruments.
Lorsqu’enfin l’entracte se termine, que la scène a été « checkée » (permettez l’anglicisme) pour une seconde partie bien différente, le BELMONDO Quintet investit les lieux.
De 6, nous passerons à 5 mais la différence se situe bien au-delà du chiffre et j’avoue très honnêtement ma stupéfaction, enfin quelque chose à mi-chemin entre surprise et admiration.
Stéphane, sans bugle, ni trompette, s’est élancé dans une interprétation musicale digne de Pierre BOULEZ ou Olivier MESSIAEN avec, ce qui m’a semblé être un coquillage (Une conque me dira Jacques – photographe – qui a plus d’une passion à son arc).
Nous voilà plongés 20 000 lieues sous les mers. Etrange et envoutant à la fois. Evidemment lorsque l’on connaît ce quintet, il est plus aisé de les situer. Et ce soir, nous avons un public de connaisseurs qui ne boudent pas son plaisir et qui le fait entendre. C’est à peine si l’on entend la voix de Stéphane lorsqu’il présente chaque membre de la formation – légendaire vous diront les initiés – tant le foisonnement des applaudissements est incandescent.
- Lionel BELMONDO, sax ténor et flûte,
- Stéphane BELMONDO, trompette et bugle,
- Tony RABESON, batterie,
- Laurent FICKELSON, piano
- Thomas BRAMERIE, contrebasse
C’est ainsi que nous explorerons une nouvelle facette de ce jazz insaisissable : le jazz moderne et ce soir il sera incontestablement acoustique et rendra hommage pour l’essentiel à Yvan BELMONDO, le papa de Lionel et Stéphane et à Yusef LATEEF, au travers de morceaux sublimes : Song for Dad et Yusef’s Tree, le premier signé par Stéphane et le second par Lionel.
Avouons que nous sommes ici dans l’excellence et si parfois le quintet nous bouscule avec des sonorités à nulle autre pareilles, des solos époustouflants qui nous laissent pantois d’admiration mais en apnée complète, c’est pour mieux nous ramener la douceur de la rythmique.
Voyez Wayne’s Words où, Lionel se livre à un solo des plus remarquables et qui pourtant semble beaucoup l’amuser.
Ces musiciens sont au sommet de leur art, ils ont traversé l’hexagone de long en large, joué sur les plus grandes scènes et nous avons la chance de les avoir ce soir avec nous et de parcourir cet album intitulé tout simplement BROTHERHOOD. Stéphane ajoutera à ce propos qu’au delà de la traduction littérale, c’est aussi une façon de remercier leur père disparu en 2019.
Ils nous ont offert un concert « organique », quelque chose qui vous attrape et ne veut plus vous lâcher. Et vous savez quoi ? Si parfois on a eu du mal à reprendre notre souffle tellement c’était intense, on a adoré. Et ils l’ont bien compris car après cette performance instrumentale, ils reprenaient leurs instruments pour un dernier morceau…
Hâte de voir ce qui se passera le 19 novembre prochain : 4ième concert et un trio (3) en ouverture de soirée… Allez je vous fais grâce de la fin du décompte après un tel voyage dans les étoiles.
Dominique MONTEREAU